SONGE D'UNE NUIT D'ETE

Published on by YVAN BALCHOY

SONGE D'UNE NUIT D'ETE

Dinant au coeur de la nuit

Lampadaires qui tamisent le bruit

d'une foule agitée

et toute éparpillée

sur fond de Meuse endormie.

Nous longeons le rivage

Tu es à mes côtés bien grave

De profondes rides burinent ton visage

Mais ta beauté défie les outrages

communs à ton âge

Je te sens tout contre moi

Nous cheminons quelques pas

en évitant les fêtards ivres

qui titubent le long de la rive

Brusquement tu m'étreins

sans rien me dire

d'autre que ton sourire

puis tu disparais soudain

engloutie par je ne sais quel destin.

Ballotté au hasard

je broie du noir

quand une main de soie

se pose sur moi

et me voile les yeux

tandis qu'un rire joyeux

impose un répit

à mon dépit.

Doucement j'écarte les doigts

en essayant de reconnaître la voix

qui tente de me dérider

un peu contre ma volonté

Quelle n'est pas ma surprise

de reconnaître Pauline

ma jeune et jolie voisine

Son sourire provocant

ne cache rien de ses intentions

elle m'entraîne résolument

dans la direction

du chemin de halage

discret lieu de passage

où l'ombre complice

favorise les jeux en bis

Sa bouche cherche mes lèvres

son corps en fièvre

se colle dans un coin

contre le mien

qui a bien envie de s'abandonner

à l'offre si joliment donnée

mais au moment de céder

à l'instinct presqu'animal

d'un plaisir brutal

ton visage réveille ma conscience

et me rappelle ces interférences

qui depuis si longtemps nous tancent

entre le devoir d'aimer

et celui de créer

le refus de la société de fait

dans l'espoir d'une nouvelle humanité

Gentiment je repousse

la gentille frimousse

en lui conseillant

de trouver un plus jeune amant

De nouveau livré à ma solitude

au sein de la multitude,

je t'imagine en train de dessiner

dans le chaud grenier

de ta verte chaumière

sur les hauts d'Hastière

où tu t'es retirée hier

pour réaliser ce rêve si ancien

d'avoir un atelier rien qu'à toi enfin

puis je me mets en quête

d'une cabine téléphonique

pour te conter cette requête

aussi séduisante qu'impudique

ê laquelle j'ai failli succomber

dans mon désarroi passager

A travers la place noire de monde

je commence un périple où l'ombre

ne cesse d'alterner

avec les stands illuminés

où des couples éméchés

me bousculent tout amusés

de me voir si clairement ailleurs

et étrangers à leur bonheur

Est-ce ma mémoire qui flanche

je nage en plein dans l'étrange

car, j'en suis certain,

j'y mettrait les cinq doigts de ma main,

c'est là que hier je t'ai appelé

pour te lire mon dernier né

Mais devant moi le mur nu

semble se moquer de mon air confus

je repars en chasse

en parcourant le place

du long en large

me sentant de plus en plus en marge

des badauds dont l'affluence

exaspère mon impatience

Enfin je crois deviner

l'appareil tant désiré

dans un encoignure

toute obscure.

En repoussant sans ménagement

quelques passants,

j'atteins enfin l'objet de mon désir,

mais quel n'est pas mon déplaisir

de tomber sur une boite aux lettres

où je n'ai rien à mettre,

car ce sont des vibrations de ta voix

que j'ai un besoin immédiat.

Enervé, je frappe énergiquement

l'appareil cette fois si décevant

et ... je me retrouve dans mon lit

tout ébahi !

Revenu à la réalité

et quelque peu apaisé

Je comprends enfin que mon avenir

n'est pas de tenter à n'en plus finir

de te retenir

mais où que je sois

tout près ou loin de toi

simplement de t'appartenir.

Yvan Balchoï

le 10 septembre 1993

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