FRED
J'étais haut comme trois pommes
que tu étais déjà jeune homme,
la fierté de la famille,
celui qu'on jalousait parfois aussi.
Brillant étudiant,
tu planais à l'université,
comme plus tard dans le ciel
.On me parlait de toi
en mission aux USA
en visite d'étude au Congo,
en prospection au Soleil Levant.
A vrai dire tu étais devenu une sorte de mythe
que notre grand père utilisait sans vergogne
pour nous inciter à mieux étudier
en nous menaçant des pires échecs
si nous ne suivions pas tes traces
Le temps passa, et nos chemins ont bifurqué,
tout à l'opposé.
Etudiant à Lyon
habillé de bure brune
authentique va-nu pieds
je te savais quelque part
dans un centre de recherche nucléaire
dans le sud de la France
où se jouait, paraît-il l'avenir de l'humanité
.Physicien confirmé
tu y occupais une place de premier rang
.Un jour tu crus trouver le Bonheur
tu y fondas une famille
mais bien vite pour toi ce fut l'enfer.
Je me rappelleavec un pincement de cœur
lors d'une visite chez toi
le regard méchant que te jetaient tes enfants
Surpris et indigné,
en colère,
je tentai bien de leur expliquer
combien ils devaient être fiers
d'avoir pour père un homme
qui fut si souvent le premier
parmi ses pairs.
Mais je me heurtai à un mur
qui me laisse encore au cœur
un triste goût d'amertume.
Plus tard j'appris
que mon cousin préféré
foudroyé à l'instigation des siens
avait bien de la peine à se remettre.
Je te revis à Bruxelles,
dans ces réunions de familles
souvent endeuillies,
quelquefois joyeuses
où je te retrouvais le teint malade
le coeur en berne.
Heureusement ton humour intact,
partagé entre le burlesque
et le farfelu souvent impertinent
parfois un peu persifleur
rappelait le grand Freddy d'hier
blessé certes mais combien vivant
pour celui qui prenait la peine
de gratter l'écorce
sous laquelle il retrouvait l'homme plein d'esprit
qu'il n'avait jamais cessé d'être
.Puis un jour,
je ne l'oublierai jamais,
tandis que j'attendais une amie
porte de Namur
,tu me frappas doucement à l'épaule
.Physiquement tu n'avais guère change
.Pourtant ce Fred,
je l'ai senti de suite,
était en un sens tout neuf.
Je lui montrai mes poèmes,
il me donna les siens,
en me faisant voir avec fierté
le visage de cette toute jeune femme
dont je sentis de suite
qu'elle lui avait rendu la joie de vivre
et la force de l'écrire
.Depuis lors, tu m'es devenu
bien plus proche qu'un cousin
bien davantage qu'un frère,
car tu le sais par triste expérience,
le sang n'est pas toujours notre meilleur allié.
Aujourd'hui nous n'avons guère de secrets
l'un pour l'autre
et tu m'apportes, ma foi,
bien davantage en ami qu'en étudiant modèle.
Récemment, brisé à mon tour
par une méchanceté
d'autant plus dure à supporter
qu'elle me frappa soudain là
où je m'y attendais le moins
tu fus pour moi l'occasion
d'une rencontreaussi soudaine
qu'impérieuse
qui bouleverse ma vie
et me redonne un espoir
d'autant plus fort
qu'il me vient du plus loin,
joyeux et pétillant
comme le meilleur des vins.
Et je repense à ce que m'écrivit
autrefois Roger Garaudy
et que tu fis.
"Chacun de nous
peut à chaque instant
commencer un nouvel avenir"
Après toi
et un peu grâce à toi
je crois à ce demain
si feminine
qui me tend la main
.à cette joie exigeante
et débordante,
notre plus belle chance !
MERCI FREDDY
Yvan Balchoi : le vingt -six janvier1994